jeudi 31 juillet 2014

La passion plus que la raison ?

Muriel Sutto est une exception, un ovni dans le paysage agricole français. Pour beaucoup, son approche peut sembler surannée. Elle pense au contraire que c’est l’avenir du monde rural. À contre-courant et malgré les embuches, Muriel se bat pour ses convictions et pour ce terroir qu’elle aime tant.





Cela fait 7 ans qu’elle a fondé l’hôte paysan à Espagnac-Sainte-Eulalie. Sous les arcades et dans la cour d’un ancien prieuré, au pied des falaises calcaires qui surplombent les méandres du Célé, l’établissement ne sert que des produits issus de son exploitation agricole. Pour ce projet un peu fou, Muriel s’est associée au départ avec un restaurateur. Lui aux fourneaux, elle dans les prés et les potagers. Depuis 2 ans, elle est seule. Avec la double casquette paysanne-cuisinière, elle poursuit le défi.

Son amour de la terre et du travail paysan lui a été transmis par sa grand-mère. Cette immigrée italienne gérait une petite ferme dans le Gers. Son arrivée dans le Quercy, Muriel la doit aux hasards de la vie, tout le contraire de son projet qui a longtemps murit en elle. Effrayée par la course aux subventions et aux financements que l’on vous apprend à chasser dès le BTS agricole, écœurée par des paysans qui disent ne pas vouloir manger leurs propres légumes, Muriel a un idéal. Elle n’envisage pas l’agriculture sous une autre forme : son produit doit atterrir directement dans une assiette.

Alors aujourd’hui elle gère 15 ha en fermages, la plupart sur le causse surplombant le village d’Espagnac-Sainte-Eulalie, où paissent ses 30 brebis. De drôles de fugueuse qu’elle s’efforce de contenir avec des filets électriques que les bergers utilisent ponctuellement pour rassembler les troupeaux. Pour elle, c’est en permanence qu’elle doit installer et déplacer les clôtures, une fois que ses bêtes ont fini leur assiette en mangeant toutes les espèces de la parcelle. Le reste de ses terres servent au maraichage. Plus de serre, tout est à l’air libre depuis 2 ans. Ça fonctionne bien pour l’instant.

Résultat : midis et soirs, L’hôte paysan sert en moyenne 30 à 50 couverts par repas en été. De 20 à 40 en moyenne saison. Le rythme est soutenu, pour ne pas dire effréné. La vie de paysan est réputée difficile. Celle de cuistot est épuisante. Muriel a choisi de faire les deux. Ce qui la fait tenir, c’est la satisfaction de partager son travail et de valoriser sa production dans l’assiette que dégustent ses hôtes.







Elle doit avoir de sacrées convictions quand même. Outre le rythme qu’il faut tenir, nombreuses sont les embuches à surmonter. Trouver des terres n’est pas une sinécure : 7 ans après, Muriel est toujours dans une précarité sans nom. Elle ne possède rien, loue tout. Sans bail rural, elle est à la merci de la volonté des propriétaires fonciers dont les héritiers préfèrent laisser une parcelle en friche plutôt que de la vendre. La Mairie vient également de lui demander de faire autre chose qu’un potager à l’entrée du village, pour des raisons esthétiques parait-il. A moins que ce ne soit des représailles après qu'elle se soit présentée aux dernières municipales.

C’est pas grave, Muriel y croit toujours. En guise de pied de nez, elle s’est dégotée une associée. Pour pérenniser son activité dit-elle, et prendre un peu de repos de temps en temps. Enfin ça, c’est pas sûr.