samedi 25 mai 2013

Sans-papier


De lui, je ne sais rien.

Rien à part qu'il est

Venu de Nouvelle-Guinée il y a 4 ans.

Toujours pas régularisé.

Toujours dans la galère.

Toujours suspendu à une décision préfectorale.


Mais je sais aussi que aujourd'hui,

Il avait toujours le sourire.






Manif pour les sans papiers

























mercredi 1 mai 2013

Printemps arabe


Un petit parfum de la révolution de jasmin planait par endroits dans le cortège de ce 1er Mai




On y croit encore?






Visage atypique, presque le sourire, presque l'envie de se battre encore. Le visage du travail, de l'ouvrier militant. 
Et en arrière fond le mélange des couleurs et des âges.


On y croit encore?

C’est la question que je me pose en rentrant chez moi, trempé comme un rat, après ma 2ème participation au défilé de la Fête du Travail à Lyon.

Faut-il croire encore au gouvernement, ou à la classe politique en général ? Sont-ils en mesure d’amener le changement promis et tant espéré ? En ont-ils les moyens ? En ont-ils l’envie ? J’ai été assailli par une sensation désagréable, jamais ressentie jusqu’à présent : je me suis trouvé dans un cortège, dont je pouvais partager nombre de revendications si tant est qu’elles fussent réalistes, à dénoncer l’action (ou l’inaction) d’un gouvernement pour qui j’ai voté il y a un an, avec le fol espoir qu’il arriverait à raviver la flamme, la cohésion collective faisant que tous les français pourraient marcher ensemble, vers un avenir meilleur. Les slogans, les banderoles, les discussions … tout m’obligeait à accepter ce que jusqu’à présent j’essayais d’occulter : un an après l’accession de la gauche au pouvoir, je suis frustré, déçu. Désabusé aussi peut-être. Pour la 1ère fois, j’ai revendiqué ma désapprobation à l’encontre d’une majorité qui devrait être mienne.



Et pour tout vous dire, ça fait chier.



Mais alors, faut-il y croire encore ? Sommes-nous dépités, déçus au point de ne plus croire au changement ? Non, je crois qu’il faut encore y croire, ce défilé et ses slogans doivent être perçus comme l’expression criante des attentes placées en nos dirigeants. Que notre espoir n’est pas mort, que nos rêves ne se sont pas envolés. Comme un cri du cœur : le changement, c’est maintenant. On l'attend. Allez-y!


Faut-il croire à la mobilisation ? Aux vues du monde dans le cortège, pas trop. Il faut dire que l’an dernier, la barre avait été placée très très haut. Le beau temps, l’entre deux tour qui faisait que ce 1er Mai avait des airs de réquisitoire contre le sarkozysme et des années de droite, l’espoir suscité par les promesses de changement… tout était réuni pour que le défilé prenne la forme d’une marée humaine. Et ce fut le cas : entre 10 et 20 000 participants à Lyon (chiffres police vs estimation syndicats), dans une ambiance familiale et bon enfant aux doux relents de 68… Cette année, la pluie et les déceptions successives ont fait fondre les effectifs : entre 2 700 et 4 000 personnes (j’étais assez content, mon estimation tablait sur 2 à 5 000).

Gloup. Divisé par 5.

De ce point de vue, les effectifs d'Europe Ecologie Les Verts sont très représentatifs. L'année dernière, ils occupaient toute une longueur de la place Jean Macé. Bien Dense. Cette année, au fond du cortège, ils étaient moins de 20. Quant au PS, inexistant. Ou peut-être ne l'ai-je pas vu. Dans tout les cas, y'a un problème, parce que j'ai parcouru en long en large et en travers le cortège.

Comme je le pensais (ou plutôt l'espérais), le peu de motivés présents étaient des vrais. Syndiqués, actifs dans la vie politique ou associative, convaincus de la justesse de leur cause, marqués par une vie sans doute pas toujours facile. Un concentré de bonheur pour le photographe que je suis. Vue la taille du cortège, avec mon frangin on a pu jouer à « mais dis-donc, qui est-ce qu’on retrouve là ? » : entre 5 et 10 personnes que j’ai déjà pu prendre en photo, l’an dernier ou il y a plus longtemps, lors des 1ères manif’ dans lesquelles je me suis essayé à la prise de vue.


Une Marianne d'aujourd'hui

























Le petit bonhomme est rouge....                                                       
et le progrès social à l'arrêt
 
Voilà qui m’amène au seul vrai point positif de la matinée. Les jours précédents, j’avais regardé la météo régulièrement et de manière très précise. Je savais donc que je n’aurais que peu de temps, les averses annoncées ne me permettraient pas de photographier quand elles commenceront à tomber. Alors je suis rentré dedans, sans échauffement. Pas de chichi, pas de temps d’adaptation, mais directement dans le tas, à immortaliser des gueules et des figures qui m’interpelaient.

En tout et pour tout, j’ai pu shooter pendant 1h – 1h 15 max. 75 photos à peu près, l’équivalent de 2 pelloches. Très très peu de déchets liés à une mise au point approximative ou une expo mal gérée (de ce point de vue, l’absence de soleil est un sacré plus : les nuages diffusent la lumière et suppriment les ombres : pas de risques de gros contrastes entre zones d’ombres bouchées et zones lumineuses cramées). Même en me mettant très près des personnes, je suis parvenu à effectuer correctement ma mise au point, et peu de photos sont ratées. Ce qui d'habitude n'est pas une gageure chez moi. Après une première sélection, j’ai ai retenu 37. Celles supprimées étant souvent des doublons, réalisée pour assurer la prise de vue. J’ai donc été productif, et ça me prouve que je progresse. En racontant ça à ma petite femme, au fil de la discussion, j'ai fait le parallèle avec le théâtre, ou une prise de parole en public. On a le trac, une pudeur qui fait que le regard des autres nous inhibe. Aujourd'hui, j'ai réussi à lâcher prise, à me lâcher, dès que j'ai sorti mon appareil. Comme si j'entrais dans un personnage, ou enfilais un costume. Comme si j'assumais le fait de photographier des inconnus, de leur voler une part d'intimité : ça m'a permis de me planter devant eux, comme un gros bourrin : mise au point, cadrage, un sourire, c'est fini. Le tout à 70 cm. Chouette.

A aucun moment je n'ai ressenti une gène, ou été freiné dans mes prises de vues par un blocage. En entrant pleinement dans la peau d’un photographe, sans me soucier des réactions, j’ai gagné du temps (je ne tournais pas autour, à attendre plus ou moins que le sujet s’habitue à ma présence, mais je fonçais) et surtout beaucoup d’efficacité. J’assume de plus en plus l’acte photographique, ma démarche. Et ça, c’est un grand pas pour moi.


92 printemps au compteur.. Son regard, sa droiture et ce sourire esquissé  
sont venus me chatouiller la rétine.


Comme l’an dernier, je suis parti avec le couple boitier + 35 mm. Je n’ai pas cherché à retranscrire l’ambiance. D’une parce que je n’y arrive pas. De deux parce que pour le coup, il n’y en avait pas. J’ai donc poursuivi la démarche de l’an dernier : immortaliser les visages de ceux qui défilaient. En essayant de mettre en lumière les traces de la vie sur leur visage, la rudesse de leur existence, mais aussi l’empathie qu’ils font naître chez moi. Et pour oublier la morosité ambiante, j’ai essayé de booster les couleurs…

Je perçois mes portraits comme le reflet de ce monde de travailleurs qui ont fait et font notre société, de cette diversité qui est la notre et qui constitue la richesse de notre histoire commune. Mon souhait est qu’en les regardant, on ait encore envie d’y croire. Ensemble.


Parce que le changement, même si c’est pas maintenant, c’est important.