mercredi 16 juin 2010

Friche RVI

Lors de mon reportage sur Thé Perché, les membres de la Cie Prise de Pied avaient évoqué avec moi LA FRICHE, cet espace dans lequel ils répêtent, travaillent, échangent et entreposent leur matos.

LA FRICHE. Un nom qui renvoie dans mon imaginaire à un passé industriel, à des lieux pétris d'histoire. Un espace forcément photogénique car buriné par les années et les Hommes. Si l'on appréhende un tel milieu à travers le prisme de l'émulation artistique, cela débouche forcément sur un sujet de reportage comme je me mets à les aimer, avec des histoires, de l'humain que mes photos peuvent magnifier grâce à la présence d'un environnement esthétique.

Vincent (le porteur de Thé Perché) m'avait informé que le lieu allait bientôt fermer, que le Grand Lyon souhaitait utiliser cet espace en friche dans le cadre d'un programme de rénovation urbaine. A cause du taf' à la stat', à cause de la préparation de l'Islande, à cause de la recherche de notre appart', à cause de la flemme que malheureusement j'éprouve de plus en plus souvent, j'avais remis à plus tard la découverte de ce lieu. Par hasard, je suis tombé sur un article qui lui était consacré dans un Gratuit Lyonnais. Le caractère imminent que revêt désormais la fermeture du site m'a enfin sauté aux yeux, faisant pour moi l'effet d'un électrochoc. Ni une ni deux, un appel à Vincent plus loin, me voilà au téléphone avec Omar, un membre du CFA RVI. CFA pour Collectif Friche Artistique/Autogérée/Anarchique (le sens du A différant selon les sensibilités) et RVI pour Renault Véhicule Industriel.

Rendez-vous est pris le 16 Juin à 14H pour une visite guidée par Omar.



Petit historique des lieux:

Activité industriel par Renault jusqu'au début des années 2000. Fermeture usine, acquisition par le Grand Lyon. Pendant quelques années, c'est une zone de quasi non-droit, alors que l'emplacement de ce site est en pleine zone urbaine (rue Feuillat, entre l'avenue Lacassagne et le cours Albert Thomas). Squatteurs, tagueurs, junkies cohabitent dans un joyeux foutoir rythmé par des rodéos dans cet espace dont les volumes dépassent l'imaginaire. Excusez du peu : 70 000 m2 de locaux avec un minimum de cloisonnement. Soit 7 hectares de ville dans la ville.
Rapidement, des artistes prennent possession des lieux. Le Grand Lyon propose en 2002 de laisser la gestion du site à une structure associative. C'est l'émergence du CFA RVI, instance qui s'apparente à un interlocuteur pour les pouvoirs publics ayant permis de rédiger une charte de "bonne conduite" plus qu'à une organisation garant du "vivre ensemble".

Cette spécificité génère aujourd'hui l'absence de structuration du mouvement de contestation vis à vis de la fermeture du site. Les différents groupes, de différentes mouvances artistiques et politiques, cohabitent plus qu'ils ne vivent ensembles, partageant plus l'espace que des valeurs ou une ligne politique. Au final, la démesure des lieux à inhibé l'émergence d'une culture commune mais à produit une mosaïque d'influences.



Bon, trêves de palabres, entamons la visite.

J'ai été frappé par la quasi insalubrité des lieux. Alors que je m'attendais à un lieu haut en couleurs, une sorte d'Auberge Espagnole pour artistes, j'ai finalement découvert un espace assez sombre, désordonné. Un espace dans lequel les déchets s'amoncèlent à proximité des lieux de vie ou de travail. Un espace dans lequel l'urine et la sueur cohabitent avec des effluves chimiques pour constituer l'environnement olfactif des lieux.






L'éclectisme des influences induit par la très grande diversité des résidents est cependant gommé dans les espaces de vie. On retrouve ainsi beaucoup de yourtes, que l'on croise au détour d'un couloir de tôles...



Un peu déçu par les lieux en eux-mêmes, je me suis focalisé sur ceux qui y travaillent, sur leur univers. Je me suis attaché à cadrer en intégrant des fonds colorés, comme pour immiscer une touche d'espoir et de gaité dans cet univers un peu sombre dont l'avenir s'inscrit en pointillé...



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Même une équipe télé était présente pour immortaliser La Friche avant qu'elle ne disparaisse.



Cet univers qui s'assombrit pour ceux qui vivent et travaillent dans La Friche, c'est ce sur quoi je souhaite clôturer ce reportage.



La tristesse, le désarroi de ce danseur qui ne sait pas de quoi demain sera fait. Logement, espace de travail... Tout sera à refaire, à retrouver après l'expulsion. A la fin de l'été 2010. Demain quoi.. D'ici là, vous pourrez encore visiter les lieux, visite qui vaut plus pour la richesse de ceux dont vous croiserez le chemin que pour le bâti en lui même.