mercredi 9 juin 2010

Chacun son rythme

Sur le marché de la Croix Rousse.

L'autre jour je parcourais les fils d'un autre forum, dédié aux utilisateurs de Leica. Assez intransigeants dans la démarche photographique que devrait imposer la possession d'un tel matériel. Bref.. Pour beaucoup d'entre eux, une photo "scène de rue" réussie est une photo où aucun regard ne croise l'objectif.

J'ai essayé des photos "volées", façon Leica Spirit. C'est décidément pas mon truc, même si celle-ci est à peu près correcte.



Cette démarche n'est pas pour moi. De me faire discret, préréglages en amont, hyperfocale et tout le tralala. et bien même en manif', j'ai du mal. j'ai vraiment l'impression d'être.. non, pas un voleur, mais un voyeur. De m'introduire dans leur univers. Quand je shoote de cette manière, j'éprouve un sentiment de culpabilité alors même que mon oeil est dans le viseur. Je suis pas à l'aise, j'essaie de me cacher (ok, c'est le but me direz vous..). Je suis pas fier dans ces moments là, sur le qui-vive car au fond, j'ai le sentiment de transgresser quelque norme ou règle de savoir vivre. Certains diront que c'est l'adrénaline inhérente au processus de reportage sur le vif. moi je pense ressentir de la culpabilité. De la pudeur même.


Auparavant, je n'arrivais pas à photographier de l'humain. Des bébettes, des friches, aucun problème. Mais de l'humain.. je transgressais leur intimité, j'effectuais une intrusion dans leur intimité. J'ai un peu évolué. j'ai encore deux barrières, aux deux extrêmes, dans lesquelles j'éprouve le sentiment de culpabilité. soit quand je fait une photo "volée", sans que le sujet sache que je suis là et qu'il est immortalisé dans mon capteur. soit pour mes proches, ma famille ou amis. Pour ceux là, c'est comme si je n'arrivais pas encore à accepter, à assumer le fait d'être photographe, comme si c'était une lubie, une folie.. être un peu l'artiste de la famille, c'est la honte quoi.. une pression sociale inconsciente en quelque sorte.

Entre les 2 extrêmes, je suis bien. j'ai commencé avec les artistes. ils savent que je suis là, mais après ils me calculent plus. Je ne les fais pas poser, je parviens à saisir des scènes sur le vif permettant de rendre compte de leur univers, de leur quotidien et parfois de leur performance scénique. je dis parfois, et c'est là que j'ai évolué, car la photo de leur spectacles n'est plus l'objectif unique de ma démarche photo, c'est à la limite le point d'orgue du reportage. mais si auparavant je n'ai pas réussi à capter leur univers, leurs difficulté, je serais sur ma faim. Je cherche à faire des photos esthétique, jolies. et pour moi ça passe par une profondeur de champ réduite. je passe donc pas mal de temps à faire la netteté, à faire mon cadre aussi. je tourne, je bouge. Bref, suis pas un photographe du "sur le vif". mais au final, les images que j'aurais produites seront une part de moi.
Dans la rue c'est pareil. Je ne me cache pas, je veux que le sujet sache que je suis là, quitte à ce qu'il refuse que je le prenne. Mais je ne lui demande rien. Je reste longtemps, juste qu'à ce qu'il m'ait adopté, que je sois rentré dans sa sphère d'intimité, et qu'il m'accepte en quelque sorte. C'est un peu la même technique que pour la photo animalière. Passée une certaine barrière, un certain temps, le sujet nous accepte et ne prends plus garde à nous.

Non, vraiment, y'a pas à dire. Je préfère que le sujet sache que je sois là, quitte à ce qu'il pose. Et la photo s'inscrit dans un échange, une découverte de l'autre. Un sourire, un mot. Bien mieux qu'une photo prise en catimini.

En l'occurrence, Mahmoud, vendeur de fruits et légumes le jour, animateur radio le soir..