Lors de mes premières recherches, Látrabjarg m'avait fasciné. La pointe occidentale de l'Europe. Des falaises de prêt de 500m de hauteur. Et surtout.. plein de zozios! Logiquement, dans mon esprit, l'endroit était devenu un des moments clefs du road trip.
En approfondissant mes connaissances, il m'est apparu que Látrabjarg était difficile d'accès. 48 km de piste étroite, vertigineuse. Si l'on ajoutait à cela les 400 et quelques kilomètres que j'aurais déjà parcouru ce jour là, je m'étais résigné à ne pas programmer Látrabjarg.
Et puis... Lors de la finalisation du road book, je suis tombé sur la description, succincte, qu'en faisait le Routard. "(...) approcher des macareux à moins de 1 mètre (...) le bout du monde". N'en dites pas plus... J'ai repris mes recherches, me renseignant sur la carrossabilité de la route. Visiblement, c'était bien une piste, tout ce qu'il y de plus islandaise, mais pas côté "F" sur les cartes. Donc, zou, j'ai reprogrammé Látrabjarg, en précisant "si on a le temps"...
Et le temps, j'ai fait en sorte qu'on l'ait!! J'ai tout fait pour qu'on le prenne, pour ne pas qu'il s'égraine. La journée de la veille m'avait laissé un goût d'inachevé, il ne fallait pas qu'aujourd'hui puisse laisser s'accrocher d'éventuels regrets.
Alors, malgré la fatigue induite par cette première journée longue en kilomètres, malgré la peur du vide, malgré l'appréhension de la conduite sur piste pour laquelle je venais déjà d'être baptisé sur 200km, malgré les nuages, j'y ai cru.
Je m'étais fixé une heure limite au delà de laquelle je ne pourrais plus bifurquer sur la rive ouest du Patreksfjörður. J'ai filé aussi vite que j'ai pu dès que je retrouvais du macadam. Je voulais voir Látrabjarg, malgré les minutes qui défilaient... A 17h, pile poil la limite horaire, je tourne à gauche toute, sur la R612.
Dès les premiers tours de roues, malgré les soupirs désappointés (petit euphémisme) d'Anaïs, les nids de poules espiègles de la piste ne parviennent pas à me faire décrocher les yeux de ses silhouettes,majestueuses, magiques..
Falaises le long du Patreksfjörður
Je savais qu'il nous faudrait du temps pour parcourir la cinquantaine de kilomètres de piste. Heureusement, peu de circulation en sens inverse. Il est vrai qu'il était déjà tard, et le gros des troupes touristiques, peu nombreuses en cet endroit, était dores et déjà reparti. Malgré cela, le temps passe..
Je file je file, ne profitant que trop peu du paysage
Après un passage plus que pentu dans les reliefs montagneux, à l'intérieur des terres, avec des virages de fou et des dénivelés qui me faisait serrer les miches, on retrouve le littoral
C'est déjà grandiose.. Des couleurs, des contrastes.. Une impression de puissance, de bout du monde..
Breidavik
Petit panneau de mise en bouche. L'excitation est à son comble. Je ne tiens plus en place, maudissant ce p****n de compteur kilométrique qui décidément doit déconner tant les bornes ont du mal à défiler
Hvallatur, le village du bout du bout du monde. Petite question subsidiaire d'Anaïs : mais ils vivent de quoi ici? Pis ils font quoi de leurs journées? T'occupes, c'est pas le moment, on a des macareux à rencontrer!
C'est bon, on y est!!! je change les objectifs à toute vitesse, oubliant dans un premier temps de me couvrir (oh, je vous rassure, j'ai pas oublié longtemps!)Admirer au passage l'état de notre Swift, et la technique islandaise pour faire la nique au radars..
Je me retourne, et la voilà, devant moi.. L'Ultima Thulé de Pytheas..
Un papi français, avec un campingcar large comme 2 fois la piste (comment il est arrivé jusqu'ici lui?) m'indique l'endroit ou visiblement, peut être, il y aurait UN macareu
Fébrile, excité, les jambes flageolantes et le coeur battant la chamade, je m'élance.. et là, devant moi, il se dresse..
C'est le début d'une rencontre du 3ème type avec les macareux. Pendant prêt d'une heure, j'étais ailleurs.. fasciné, obnubilé, ému jusqu'aux larmes par la présence de ces oiseaux tout simplement magnifiques
La vie au bout du monde..
Couché de tout mon long, à plat ventre dans l'herbe, mon visage à moins d'un mètre d'eux, 400m au dessus de la mer qui se fracasse sur les falaises. Grisant, magique..
et pour finir, ma préférée..
Un moment exceptionnel, inoubliable.. Au plus prêts de ses oiseaux clowns avec une larme noire.. Le mélange de la joie et de la tristesse, le symbole du rire et des larmes unis dans ces oiseaux majestueux, dans un cadre exceptionnel. What esle?
On a même eu de la chance au niveau de la météo, le brouillard s'est peu à peu estompé, découvrant l'horizon.
En quelques minutes, l'atmosphère se métamorphose:
A l'inverse, Hvallatur est désormais dans la brume. Les nuages nous ont contournés, ils se sont retirés dans l'intérieur des terres, masquant les paysages observés lors du passage aller. Les cieux étaient avec nous!
Une leçon, une claque, une révélation. Les falaises de Látrabjarg me hantent autant qu'elles m'enchantent. Pas un jour sans que je n'y repense. Je ferme les yeux, et je m'envole là bas.
A chaque fois, mes yeux se mouillent, je frissonne. E là, tout près de moi, il apparaît..