Ce fut mon premier véritable voyage à l’étranger : l’Italie au collège et la Suisse pour les championnats du monde de monocycle n’avaient pas été effectués avec en filigrane l’envie d’être dépaysé. Cette fois-ci, je l’ai été. L’Islande est une contrée extraordinaire, au sens littéral du terme (extra-ordinaire): ses paysages sont autant de tableaux à nul autre pareil. Dépaysé, je l’ai été donc, mais pas forcément aux endroits où je le pensais, où je l’espérais. C’est le principal regret que je ressens, qui me laisse un goût amer, d’inachevé.
Lors de la préparation du voyage, j’ai sélectionné les lieux à visiter en fonction des photos qu’il m’a été possible de visualiser lors de mes nombreuses recherches. Bien entendu, j’ai parcouru de nombreuses fois de nombreux sites dédiés à la photographie de paysages islandais. J’en ai vu trop. Du trop lourd, fait dans des conditions dantesques. En comparaison, la réalité m’a parfois semblée fade, presque banale. Avec le recul, je mesure à quel point cette réalité était au contraire extraordinaire, exceptionnelle. Je retiendrais la leçon pour les prochaines fois !
Ce road trip a été jalonné de surprises, il s’est construit autour de lieux d’exception. Mais aussi de désillusions. Je n’y étais pas préparé. Mais c’est l’essence même du voyage. Tout ne peut être prévu, de nombreux éléments confèrent au périple une dose d’inattendu. D’autre part, il n’y a pas de beauté universelle, surtout pour les paysages. Chaque individu possédant une sensibilité qui lui est propre, le ressenti devant la nature varie énormément d’une personne à l’autre. Dans les guides et mes diverses lectures, l’accent était mis sur le sud de l’Islande, les régions jouxtant le Vatnajökull. A l’inverse, assez peu de détails relatifs aux Fjords de l’Ouest. Pourtant, alors que le Sud m’a assez peu emballé, pour ne pas dire déçu par moment, c’est cette région du nord ouest qui m’a conquis. C’est cette image que je retiendrais de l’Islande, alors même que l’on n’y a pas rencontré de conditions climatiques optimales. C’est dans cette région que j’aimerais retourner alors que les descriptions qui en étaient faites m’avaient presque convaincu de ne pas y aller…
Cette éventualité d’un hypothétique retour en Islande me rappelle d’ailleurs un autre élément que je souhaitais évoquer : lors de l’élaboration du road book, il avait été pris comme postulat que l’on voulait voir le plus de choses possibles, quitte à revenir plus tard. J’ai malheureusement perdu de vue ce principe une fois sur place. Lors de journées chargées en kilomètres (la 1ère semaine), j’ai eu le sentiment de survoler, d’aller trop vite, de ne pas profiter. D’où ce sentiment d’inachevé, renforcé par les déceptions ressenties lors des visites du Sud.
Voilà, j’en ai fini avec le chapitre regrets/bonnes résolutions. Je peux à présent passer à tout le reste. Et quel reste…
La liste est grande… Par où commencer ? Je n’ai pas assez de mots, d’adjectifs, pour décrire et qualifier ce que j’ai pu admirer en Islande. Tant d'images me reviennent.. L'Islande est une faille de l'espace-temps. Une fois là-bas, plus rien ne compte. La vie d'avant, le temps qui passe, n'existent plus. Et la vie d'après en est changée à tout jamais.
Trop de choses à dire, trop de choses à raconter..
La vie sur place ? L’immensité des espaces, la solitude, la toute puissance de la nature qui donne à l’Humanité une leçon d’humilité. Comment vivent les Islandais,, quelles ressources pour un habitant des Fjords de l’Ouest ou dans la région de Raufarhöfn (à la toute extrémité nord est) ? J’ai pu profiter de leur accueil, de leur bonne humeur, mais le road book chargé, ma timidité, à moins que ce ne soit mon anglais perfectible, m’ont empêché de les connaître, de les comprendre. En attendant mieux, j’espère me souvenir le plus longtemps possible du « Here we go !! » façon Mario Bross lancé en guise de bon appétit par le serveur d’un resto guindé d’Akureyri. Le symbole de leur simplicité et de leur hospitalité.
Pour moi, l’Islande, c’était le monde occidental, ses banques, sa société de consommation… Bref, comme chez nous. Et bien non, pas comme chez nous. Des sourires en permanence vissés sur leur visages, les Islandais vivent dans un environnement exceptionnel, de par sa beauté et sa rudesse. Et cet environnement, ils le chérissent. C’est leur identité. C’est leur richesse. C’est leur Histoire. C’est leur vie. Alors ils le protègent. Pas à un endroit je n’ai vu de sac plastique, de déchet alimentaire. C’est véridique. Pourtant, bien souvent, il n’y a pas de poubelle à des kilomètres à la ronde. Partout, c’est impeccables, les toilettes pareillement.. Au retour, l’atterrissage à Charles de Gaulle à 5h du mat’ a quelque peu été difficile. J’avais la nausée. J’étais effrayé, apeuré. Comme si je n’était pas à ma place, dans un mode qui marche à l’envers. Le choc culturel, je l’ai pris dans la face au retour..
Les paysages ? Variés, infinis, surprenants… ou bien contrastés, inattendus, verdoyants, lunaires, désertiques… Un mélange de couleur permanent:
Le vert de la mousse sur le lit brun des pierres de lave au pied des masses sombre que sont les montagnes.
Le blanc des glaciers face au noir du sable et des cendres.
Le vert, le gris, l'ocre, le rouge, le blanc, le bleu.. unis par l'activité géothermique.
La nature ? Majestueuse, originelle, terrible et fragile selon la focale d’analyse. Puissante, magique, voire même onirique… Des changements d'aspects inattendus, violents. Nos perceptions et nos visions conditionnés par les conditions climatiques et atmosphériques en perpétuelle fluctuation. Je me rappelle la tristesse du Jökulsárlón sous un ciel bas, pluvieux et brumeux, sans commune mesure avec l'éclat, la majesté de ce même lieu le lendemain, sous un ciel laissant le soleil dévoiler les nuances bleutées des icebergs.
Et les oiseaux ? Magnifiques, nombreux, agressifs, piailleurs, majestueux… Malgré la rudesse du climat et la force des vents qui confèrent au lieu une dimension tragique en plus de la dimension grandiose induite par leur hauteur, les falaises de Látrabjarg sont peuplées par la plus grande colonie de macareux au monde. Cette petite boule de poils de 500 gr parvient à vivre 44 ans, malgré les migrations, malgré les prédateurs à plumes et à poils.. Une leçon, une claque, une révélation. Les falaises de Látrabjarg me hantent autant qu'elles m'enchantent. Pas un jour sans que je n'y repense. Je ferme les yeux, et je m'envole là bas.
L'Islande est une faille de l'espace-temps. Une fois là-bas, plus rien ne compte. La vie d'avant, le temps qui passe, n'existent plus. Et la vie d'après en est changée à tout jamais.
La liste est grande… Par où commencer ? Je n’ai pas assez de mots, d’adjectifs, pour décrire et qualifier ce que j’ai pu admirer en Islande. Tant de visions me reviennent..
Je vous prends par la main, et vous fait atterrir sur la terre de feu.